mai 7

LES PSEUDOS « EXPERTS » EN TAUX EFFECTIF GLOBAL

LES  PSEUDOS « EXPERTS » EN TAUX EFFECTIF GLOBAL

« Idem est non esse et non probari ». Il revient au même de ne pas être ou de ne pas être prouvé. Le calcul du T.E.G. n’est pas simple. Les résultats mathématiques sont des faits juridiques dont la preuve est libre. La détermination – le calcul et la composition – du T.E.G. obéit à des règles très précises. Celui qui prétend avoir décelé une irrégularité doit concilier ces deux approches : prouver des faits mathématiques et justifier ces faits mathématiques par des justifications juridiques.

Bien souvent, l’emprunteur ou l’analyste financier qu’il a mandaté, se contentent de « calculer » le T.E.G. sans même réfléchir à sa composition : pour eux, il suffit d’introduire des données dans un logiciel sans envisager les nombreuses questions que posent la détermination du taux effectif global.

Il faut toutefois comprendre que ceux-ci sont convaincus à tort que 70 % des contrats de crédit comportent des irrégularités. Si le taux trouvé est différent de celui annoncé, l’emprunteur et son analyste vont immédiatement conclure à l’irrégularité. Une différence de résultat entre le taux annoncé et le taux recalculé ne suffit pas à elle seule à rapporter la preuve d’une irrégularité (F. LUCET, « L’illusion mathématique », D. 1995, p. 231 : « Calculer n’est pas raisonner et, encore moins, inventer. Est-il besoin de rappeler ici que, d’une façon générale, un résultat chiffré n’est jamais une solution ? Travailler sur chiffres, c’est réduire nécessairement un patrimoine à un ensemble d’éléments divisibles, liquides, fongibles, exigibles et transmissibles. »)

De nombreux litiges pendants devant les juridictions ne reposent sur rien car ils n’ont pas été préparés en amont. D’ailleurs, à y regarder de plus près, plus les contrats sont récents, moins ils présentent d’irrégularités. Le contentieux du T.E.G., animé par l’effet d’aubaine, a eu un effet prophylactique sur le contenu des contrats de crédits dont la rédaction s’est nettement améliorée au cours des vingt dernières années. Abstraction faite de la recherche d’une irrégularité formelle, le calcul du T.E.G. nécessite une certaine expérience : même si de nombreux tableurs, logiciels et leurs notices sont librement accessibles sur internet et facilitent la détermination du T.E.G., il est absolument essentiel de s’intéresser à l’économie de l’opération réalisée. Pour cela il est nécessaire de connaître et comprendre les différentes opérations de crédits. Combien de fois a t-on pu lire des études financières dans lesquelles les « analystes » avaient confondu le capital prêté et le coût de l’opération, financée en partie par le crédit ? Une défense axée sur le discrédit et la critique s’est donc révélée particulièrement efficace dans la mesure où les juges ne sont pas particulièrement qualifiés pour apprécier la pertinence des arguments mathématiques, parfois totalement fantaisistes, qui sont exposés par les parties.

L’analyse de TEG est une expertise officieuse

La preuve des faits juridiques est libre. La disposition de l’article 1363 du Code civil, « Nul ne peut se constituer de titre à soi-même », consacrée par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 confirme le champ de la sentence « nul ne peut se constituer de preuve à soi-même » dont on se demandait, à juste titre si elle ne se cantonnait pas seulement à la preuve littérale parfaite (C. MOULY-GUILLEMAUD, « La sentence “nul ne peut se constituer de preuve à soi-même“ ou le droit de la preuve à l’épreuve de l’unilatéralisme », RTD Civ. 2007, p. 253 s., spéc. n°3. ; La troisième chambre civile de la Cour de cassation avait considéré que le « principe selon lequel nul ne peut se faire de preuve à soi-même » était « inapplicable à la preuve des faits juridiques » (Civ. 3ème, 3 mars 2010, n°08-21.056 et n°08-21.057 ; Bull. civ. III, n° 52)).

Les expertises amiables ou officieuses sont «les deux cas de mesures d’instruction exécutées, avant ou après la naissance d’un litige, par un technicien mandaté, non pas par le juge, mais par toutes les parties intéressées (expertise amiable) ou par certaines parties seulement ou, même, par une seule partie (expertise officieuse) » (T. MOUSSA, « L’expertise judiciaire et l’expertise amiable au regard du principe de contradiction », BICC 2004, hors-série, n°3, p. 51). Les analyses de T.E.G., sont donc des expertises « officieuses », par opposition aux expertises « judiciaires », et épousent le même régime que les expertises amiables.

Dans le cadre d’un procès, ces expertises peuvent être produites en justice et doivent être communiquées aux parties. L’expertise amiable peut valoir à titre de preuve dès lors qu’elle a été soumise à la libre discussion des parties, bien que les opérations d’expertise n’aient pas été réalisées contradictoirement (Civ. 1ère, 13 avr. 1999, n°96-19.733 ; Bull. civ. I, n° 134, p. 87 ; Civ. 1ère, 24 sept. 2002, n°01-10.739 ; Bull. civ. I, n° 220, p. 169 ; Civ. 1ère, 11 mars 2003, n°01-01.430 ; Bull. civ. I, n° 70, p. 53 ; Pour une étude de T.E.G. voy. par exemple : CA Versailles. 16ème Ch., 7 mai 2015, RG n°14/09083 :« il convient, tout d’abord, de constater que ce rapport, établi de façon non contradictoire, émane d’un cabinet de conseil d’entreprise et d’analyses en mathématiques financières, saisi à la demande des époux X… ; (…) il ne constitue pas une expertise judiciaire mais a été produit aux débats et soumis à l’appréciation de l’ensemble des parties ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il n’y a pas lieu de le rejeter des débats ainsi que cela est sollicité à tort par la Caisse d’Epargne ; »).

La discussion relative au débat contradictoire, parfois évoqué par les prêteurs, au moment de la réalisation de l’analyse du taux est insensée. De nombreux avocats peuvent aujourd’hui réaliser leur démonstration s’en avoir recours à un tiers, analyste financier, et intégrer directement leurs calculs dans leurs assignations et conclusions. Reprocherait-on à un avocat qui additionnerait le montant des créances impayées d’avoir réalisé ces opérations sans respecter le contradictoire ? Assurément non. Il importe peu que ces calculs figurent dans une pièce ou dans les écritures judiciaires

Pour autant, si la preuve au moyen d’une expertise officieuse est parfaitement recevable, la plupart du temps leur contenu laisse à désirer.

Amateurisme sur le marché des T.E.G.

Fréquemment, certains avocats défendent une action fondée sur les éléments d’une analyse financière laconique. D’ailleurs de nombreux « experts » se contentent de ne donner que le résultat, et pas le détail du calcul. Les choix opérés sont rarement justifiés par des raisonnements juridiques ou par des décisions de justice (À propos d’un logiciel commandé par une société d’analyse financière impropre à calculer le taux effectif global : CA Nîmes, 2 avr. 2015, 2e ch. com., sect. B, RG n°14/01623 ; voy. encore par exemple : CA Bastia, 24 juill. 2013, n°11/01017 ; LEDB 2013, 1er oct., n°9, p. 6, obs. R. Routier : « Contrairement à ce que prétend la société sur le seul fondement d’une étude qu’elle a commandée, les commissions de plus fort découvert et les commissions d’intervention (frais prélevés à l’occasion de chaque opération effectuée au-delà du découvert autorisé) ont bien été intégrées dans le TEG indiqué sur les tickets d’agios. »). Dans ce cas, le juge est fondé à mettre en évidence les insuffisances de l’analyse : une suite de chiffres sans explications ou sans aucun sens ne permettra jamais d’emporter la conviction d’un juge … L’avocat sera souvent contraint de combler cette carence dans ses écritures.

Certains de ces avocats, ignorant les subtilités mathématiques du taux effectif global deviennent sans le savoir, les avocats de causes perdues. Il n’est pas rare, et souvent très fréquent, que la prétendue irrégularité décelée par l’officine n’en soit pas une. Une étude réalisée par l’association UFC Que choisir démontrait en effet que parmi sept offres d’expertise de taux effectif global de crédit immobilier proposées sur internet, seulement l’une d’entre elles satisfaisait aux critères de qualité attendus pour ces services : curriculum vitae de l’équipe « d’experts », précision de l’analyse juridique et mathématique, coût raisonnable de la prestation (E. OUDIN, « Des “expertiseurs“ peu convaincants », Que choisir, févr. 2016, n°544, p. 56 et s.). Un très grand amateurisme règne sur « le marché du T.E.G. ».

Dans ces circonstances, il n’est pas rare de rencontrer des analyses financières totalement erronés.

Notre cabinet est fréquemment sollicité par des emprunteurs qui entendent introduire un procès sur le fondement une analyse de T.E.G. inexacte (et qui leur a coûté une fortune). Le nombre d’analyse concluant à l’irrégularité, alors que le taux effectif global mentionné dans le contrat de crédit est parfaitement régulier, est tout bonnement incroyable. Si leurs analyses sont inexactes, « ces experts » engagent leur responsabilité.

Un conseil : faites analyser votre analyse de T.E.G. par un avocat qui ne travaille pas avec l’expert avant tout procès.

juillet 7

L’interdiction de calculer les intérêts et le TEG sur la base d’une année civile : nouvel épisode. (360 / 365 jours)

L’article L.313-2 du code de la Consommation contraint les banques à mentionner le Taux Effectif Global dans chacun des prêts consentis.

La base de calcul peut changer de façon importante le calcul de ce TEG.

La cour de cassation avait récemment interdit le calcul des intérêts sur la base d’une année 360 jours (Civ. 1ère, 19 juin 2013, n°12-16.651, FS P+B+I).

Si nous connaissions, sans trop de difficultés, les destinataires de cette interdiction (les consommateurs ou les non-professionnels), certains doutes pouvaient subsister sur la portée de cette interdiction.

Un arrêt du 17 juin 2015 (Civ. 1ère, 17 juin 2015, n°14-14.326, F-P+B) semble donner, dans le style rédactionnel si particulier des juges du quai de l’horloge, une précision d’importance sur les modalités d’application de la sanction de cette interdiction (nullité de la clause d’intérêt) :

« Vu l’article 1907 du code civil, ensemble les articles L. 313-1 et R. 313-1 du code de la consommation ;

Attendu que, pour rejeter la contestation fondée sur le calcul du taux conventionnel de crédit par référence à l’année bancaire de trois cent soixante jours, l’arrêt retient, d’une part, que si le taux effectif global doit être calculé sur une année civile, rien n’interdit aux parties de prévoir un taux conventionnel calculé sur une autre base, d’autre part, que le taux de la mensualité correspond bien au taux effectif global indiqué ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le taux conventionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l’année civile dans tout acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

En statuant ainsi, la Cour reprend la solution de l’arrêt du 19 juin 2013 selon laquelle un consommateur ou un non-professionnel ne peuvent consentir à une clause prévoyant un taux conventionnel ou un taux effectif global calculé sur une autre base que l’année civile.

La Cour semble surtout indiquer – et c’est l’apport principal de cet arrêt – que le fait que le taux de la mensualité corresponde bien au taux effectif global ne fait pas obstacle à l’annulation de la clause d’intérêt en raison du calcul du taux conventionnel de crédit par référence à l’année bancaire de 360 jours.

L’erreur de calcul est semble t-il indifférente, la seule référence à l’année bancaire entrainerait automatiquement l’annulation de la clause d’intérêt.

Amaury AYOUN
Doctorant

avril 9

JUSQU’À QUAND PEUT-ON AGIR POUR CONSTATER LES OMISSIONS RELATIVES AU TAUX EFFECTIF GLOBAL ?

Vous avez 5 ans pour agir à compter de la découverte de l’erreur. (Civ. 1ère , 7 mars 2006, n°04-10.876, Bull. civ. I, n°135 ; Civ. 1ère , 16 octobre 2013, n° 12-18190 ; Civ. 1ère, 26 novembre 2014, n°13-24.168)

La date de découverte de cette erreur ne coïncide pas nécessairement avec celle de réception de votre offre de prêt ou celle de sa signature.

En effet, il est bien évident que la majorité des emprunteurs ne sont pas tous des actuaires ou des experts en finance : Ils ne sont pas compétents pour déceler l’erreur à la seule lecture de leur contrat de prêt.

Pour ces raisons, le point de départ du délai d’action en contestation du TEG s’en trouve donc retardé.

LES JURIDICTIONS RETIENNENT-ELLES LES PLUS INFIMES ERREURS DES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT ?

L’article R. 313-1 du code de la consommation dispose que « le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire. Le rapport est calculé, le cas échéant, avec une précision d’au moins une décimale. »

La règle présentée par l’article R. 313-1 peut être interprétée de différentes façons.

Cette règle signifie a minima que la banque est tenue par le nombre de décimales qu’elle indique à l’emprunteur. La règle de l’article R. 313-1 est alors seulement une règle d’arrondi.

Par exemple : Si lors de son calcul la banque trouve un TEG de 5,1949%, elle peut choisir de ne donner qu’une seule décimale de précision. Elle doit donc annoncer un TEG de 5,2%. Puis, 5,19%. Puis 5,195%. Etc …

Certaines juridictions ajoutent que l’erreur n’est reconnue qu’à compter d’une différence de 0,1 entre le TEG annoncé par la banque et le TEG réel.

Par exemple : si la banque a par exemple annoncé un TEG de 5,11%, le TEG sera considéré comme erroné à 5,21 %.

À première lecture, deux arrêts, non publiés, de la cour de cassation (Civ. 1ère 26 nov. 2014, n° 13-23.033 ; Civ. 1ère , 1er oct. 2014, n° 13-22.778) semblent abonder en ce sens.

Ces arrêts méritent certaines explications :

Une précision « d’au moins une décimale », ne signifie pas une précision « d’une décimale ».

L’arrêt du 26 novembre 2014, indiquant que « l’écart entre le taux effectif global mentionné dans le contrat de crédit et le taux réel était inférieur à la décimale prescrite par l’article R. 313-1 du code de la consommation », semblait refuser une erreur de 0,0017%.

Les circonstances de cette affaire étaient tout à fait particulières et expliquent la motivation de la Cour :
– L’emprunteur contestait ici un TEG annoncé par la banque à 4,40% alors que le TEG réel était de 4,3983%. L’erreur était favorable à l’emprunteur.
– Par ailleurs, les règles d’arrondis évoquée plus aux avaient été respectées.

Dans l’arrêt du 1 octobre 2014, l’argumentation de l’emprunteur manquait en preuve : L’emprunteur n’avait pas démontré l’incidence des frais oubliés sur le calcul du TEG.

Cet arrêt n’est pas tant relatif au TEG mais bien à une question de charge de la preuve.

Maître Benjamin AYOUN, membre du réseau d’avocats PROVENCE AVOCATS, fort d’une expérience dans le domaine du droit bancaire et immobilier, étudie votre prêt et vous représente dans ce type de procédure dans le cas où une erreur est décelée.